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Master and commander de Peter Weir
Avec : Russell Crowe, Paul Bettany, Billy Boyd, James d'Arcy, Lee Ingleby

Séance de rattrapage en DVD

En 1805, le HMS Surprise, navire de guerre anglais, est chargé d’intercepter l’Achéron, un navire français plus gros et plus puissant que lui. Attaqué par surprise et gravement endommagé, l’animal blessé se lance à la poursuite du prédateur des océans.

La sortie DVD de Master and Commander est l’occasion rêvée de revenir sur une des plus grosses déceptions commerciales de 2003. Cette adaptation colossale du premier et du quinzième tome de la saga maritime de Patrick O’Brian eut énormément de mal à rentrer dans ses frais (150 millions de dollars financés par trois majors : Fox, Universal, Miramax). Multiples sont les raisons de cet échec relatif mais la principale saute aux yeux dès lors que l’on visionne les trois bandes-annonces du disque de suppléments : surfant sur le récent succès de Pirates des Caraïbes, elles se focalisent toutes sur les batailles navales homériques et un Russell Crowe, sabre au poing et prêt à en découdre. Bref, ces bandes-annonces ne donnaient absolument pas envie d’en savoir plus. Par conséquent, les amateurs de fêtes foraines sur grand écran -que sont les productions Bruckheimer- enragèrent et hurlèrent à l’arnaque tant les morceaux de bravoures étaient rares et ceux qui recherchaient beaucoup plus ne se déplacèrent pas en masse craignant un Pirates... bis. Enorme malentendu pour un film qui est avant tout basé sur la métamorphose.

La métamorphose est un thème récurrent dans l’œuvre de Peter Weir qui se dissimule très souvent derrière l’étude de mœurs. Master and Commander n’échappe pas à la règle. A l’instar de The Last Wave, Witness, le sous-estimé Mosquito Coast et bien sûr le Cercle des poètes disparus, le réalisateur filme le quotidien d’une microsociété hors du commun. Un environnement avec ses habitudes, son langage et ses codes. La réussite de cette description tient à une mise en scène particulièrement inventive qui explore moins un vaisseau de guerre (les combats ne représentent qu’un quart du film) qu’un concentré de nation. Ce morceau d’Angleterre, pour reprendre l’expression utilisée par le capitaine “Lucky“ Jack Aubrey à la fin du film (un des meilleurs rôles de l’acteur), est analysé avec une grande précision : qu’il s’agisse de l’organisation de l’équipage, des rapports humains ou encore des croyances des marins britanniques au dix-neuvième siècle. Justement, l’étude de ces croyances offre un des passages les plus réussis du film : alors que le vent ne souffle plus dans les voiles et que l’eau douce vient à manquer, un officier à l’autorité défaillante devient le bouc émissaire idéal, un “Jonas“, qui se suicidera par la noyade une fois la nuit tombée. Cette séquence devient alors emblématique du besoin d’évolution, de métamorphose d’une société occidentale.

L’incarnation de ce besoin est la troisième bonne idée du film : en donnant un rôle aussi important au raffiné Stephen Maturin, le médecin de bord naturaliste et mélomane à ses heures perdues –rares en passant-, Weir se crée un double filmique, un authentique enfant du Siècle des Lumières (Paul Bettany confirme après Dogville son talent à camper des personnages cérébraux). De ce fait, Maturin se situe à l’avant-garde d’une microsociété capable de pousser un homme au suicide sur des croyances infondées, pourtant cette même entité devra par la suite se servir de ses découvertes pour pouvoir espérer triompher de l’Achéron.

Ses découvertes sont illustrées de la façon la plus étonnante qui soient pour un film de ce calibre : à la poursuite de l’Achéron, le HMS Surprise fait escale aux îles Galapagos. Cette pause devient un prétexte à de magnifiques scènes où les iguanes, les tortues géantes et les oiseaux sans ailes donnent une leçon d’évolution intime aux humains quelques décennies avant que Charles Darwin n’y mette les pieds. De cette escale, on retient que la beauté d’un panoramique sur ces îles, sur fond de suite pour violoncelle de Bach, n’a rien à envier au fracas des boulets de canon sur la coque. La musique tient justement un rôle important car si Aubrey et Maturin sont très souvent en désaccord, leur amitié n’est jamais aussi manifeste que dans leurs joutes musicales où les menuets de Mozart et de Boccherini n’ont aucun secret pour eux. Là, un univers viril et martial est envahi par la délicatesse d’une amitié indéfectible.
J.F. 

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