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La Mort dans la peau de Paul Greengrass
Avec : Matt Damon, Franka Potente, Brian Cox, Julia Stiles, Karl Urban

De la mort à la résurrection

Jason Bourne, ex-tueur professionnel de la CIA à la mémoire courte, s’est isolé à Goa en Inde pour échapper à ses anciens employeurs. Là-bas, il a beau couler une vie paisible avec Marie, il souffre d’être réveillé toutes les nuits par des cauchemars lui rappelant son existence ante amnésique. Alors il ne baisse pas la garde et il a raison : un tueur russe le retrouve et tue Marie tandis qu’à Berlin, deux agents américains sont froidement assassinés lors d’une mission de terrain où le seul indice trouvé est une empreinte digitale : celle de Bourne. Ce dernier donc va devoir retourner en Europe avec en tête deux objectifs : savoir qui le piège et quelle origine donner à ses songes où il se voit tuant quelqu’un dans la capitale allemande.

Le succès mérité de The Bourne Identity résidait dans la capacité du réalisateur Doug Liman à nettoyer le film d’espionnage des clichés les plus éculés. Autrement dit, exit farniente, champagne et p’tites pépées et bienvenue poursuites déchaînées et autres mystères embrumés. On trouvait même, dans ce James Bond sans glamour, une incontestable inventivité dans la mise en scène de certaines séquences où Liman allait à l’encontre des standards hollywoodiens (longueur du plan, dilatation notable du temps, refus de la musique lors de l’action et accent porté sur l’environnement sonore). La réussite mineure de ce film tenait aussi et surtout à l’interprétation de Matt Damon : jusqu’alors habitué à des rôles nettement moins physiques, l’acteur apportait une touche d’humanité à son personnage de superhéros paumé tout en se révélant impressionnant dès lors que le rythme s’emballait. The Bourne Supremacy ne fait pas que conserver les atouts du premier épisode, il les intensifie, il élague les poncifs comme on arracherait le lierre d’un mur et cela est quasiment du au changement de réalisateur : Paul Greengrass, auteur de Bloody Sunday – reconstitution hallucinante d’hyperréalisme des affrontements de 1972 en Irlande du Nord.

Car si Paul Greengrass se retrouve à la tête d’un film à gros budget, il ne renonce pas son style documentaire ; du coup, appliquer le mode de filmage de Bloody Sunday s’avère payant et entraîne une réaction en chaîne on ne peut plus bénéfique. Le film gagne en vivacité et en réalisme. En filmant caméra à l’épaule de courtes séquences dans un montage sec, Greengrass se crée un suspense quasi permanent. Cependant le caractère artificiel d’un tel procédé est évité grâce à une intrigue bien construite –sachant alterner entre la brutalité et de rares moments d’émotion (l’adieu triste et silencieux de Jason à Marie après la fureur de la poursuite est à ce titre exemplaire)– et surtout bien plus sombre. Bourne ne sourit plus dès lors qu’il pose le pied sur le sol européen, il parle peu et n’hésite plus à donner la mort mais le réalisme s’applique aussi à sa personne et, en ce sens, la prestation de Damon est admirable car il conjugue à merveille la froide intelligence, la pesante culpabilité face à un plus que probable passé criminel et surtout son incroyable calvaire physique.

C’est pourquoi The Bourne Supremacy est la rencontre d’un acteur talentueux et d’un réalisateur prometteur qui parvient à poursuivre ses ambitions esthétiques et thématiques pour le pire (le combat rapproché à Berlin brouillon et confus) et pour le meilleur : le final moscovite. Cette séquence retrace la fuite de Bourne en voiture, traqué par la police puis par le FSB (ex-KGB) et enfin l’affrontement spectaculaire avec son double russe dans une poursuite digne de French Connection. A partir de ce moment là, le film devient une pure expérience physique. En quelques minutes, la caméra fait ressentir de façon saisissante la panique, l’accablement et l’angoisse étouffante éprouvés par Bourne. Et quand après s’être extirpé de ce traquenard, on prend conscience qu’il a fait tout ce chemin pour demander le pardon d’une inconnue dont il a tué les parents ; on ne peut qu’être admiratif devant un film qui prolonge avec surprise la thématique de Bloody Sunday : le premier film de Greengrass se terminait sur la mort de l’idéalisme, le parcours de Bourne jusqu’à l’appartement de la jeune fille russe conduit à sa résurrection.
J.F. 

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