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Le Terminal de Steven Spielberg
Avec : Tom Hanks, Catherine Zeta-Jones, Stanley Tucci, Chi McBride, Diego Luna

Une fable navrante

Viktor Navorski est arrêté par le service des douanes de l’aéroport Kennedy à New York car, suite au déclenchement d’une guerre civile, son pays d’origine –une obscure république des Balkans, la Krakosie – n’est plus reconnu par les Etats-Unis. Il se retrouve alors coincé dans la zone internationale de JFK à la fois en dedans et en dehors du Nouveau Monde. Comment va-t-il survivre dans un pays dont il ne connaît que peu de choses et malheureusement pas la langue ?

Face à ce Terminal, on ne peut s’empêcher de penser que l’histoire de Mehran Karimi Nasseri, cet iranien vivant depuis seize ans de son plein gré dans la zone internationale de Roissy méritait beaucoup mieux. Il y avait pourtant des bonnes questions à se poser face à cette personnalité mystérieuse comme, par exemple, le thème de l’enfermement volontaire. Le résultat aurait pu donner une œuvre ambiguë et délicieusement inquiétante.

Au lieu de ça, Spielberg livre un produit beaucoup trop lisse et, inquiétant…sans le délice rêvé. Les quarante-cinq premières minutes font à peu près illusion avec les tribulations de Viktor alors confronté aux barrières culturelles et linguistiques américaines. Mais le malaise s’insinue peu à peu avec l’apprentissage de la langue et surtout l’arrivée du personnage aussi inintéressant que stupide de l’hôtesse de l’air (Catherine Zeta-Jones, nettement plus à l’aise dans le registre de la vamp). A partir de là, on assiste à une vaine tentative d’hommage à la comédie humaniste, à la comédie à la Capra pourrait-on dire. Mais la multiplication d’effets grandiloquents parasite la démarche : pas un rire, pas une once d’humanité ici.

Mais le pire est atteint avec l’accumulation de saynètes où Viktor Navorski, telle une Amélie Poulain du Caucase, devient l’illustration d’un message plus que contestable c’est à dire quand le bon niais téméraire et le responsable psychorigide du transit de JFK s’affrontent pour savoir qui est le meilleur Américain. Ce glissement sémantique où être Américain est moins une affaire de géographie et d’identité collective qu’un ensemble de valeurs individuelles, toutes plus positives les unes que les autres, est plus que dérangeant. En effet, il fait apparaître un patriotisme grossier, voire hégémonique en la personne de Viktor (Tom Hanks, en pilotage automatique, est assommant), Super-Américain par excellence avec son esprit d’adaptation. Ce bon manuel, ne réclamant que son dû, est tellement plus fiable qu’une saleté de gauchiste avec ses revendications sociales, semble-t-on nous dire. Ce message sous-jacent et horriblement cynique est dissimulé derrière une vision d’une Amérique multicolore mais la grossièreté du trait ne trompe personne quand il décrit les clichés vivants que sont le brave black combinard, le latin-lover romantique et l’Indien facétieux.

En définitive, Minority Report et Arrête-moi si tu peux étaient le condensé du meilleur d’un Spielberg se bonifiant avec l’âge. Le Terminal est la preuve que le seigneur de Hollywood est loin d’en avoir fini avec ses démons réactionnaires et signe là son pire film depuis très longtemps.
J.F. 

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