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American Psycho de Bret Easton Ellis par J.H.D., Seuil (Points)
 

L’homme nouveau

Si American Psycho a valu à Bret Easton Ellis une renommée internationale, ce roman a pourtant bien failli mettre un terme définitif à sa carrière. Après la défection de la prestigieuse maison d’édition Simon & Schuster, le livre faillit ne jamais voir le jour en raison de la colère des ligues féministes et autres tenants du politiquement correct. Heureusement, un petit éditeur, Vintage racheta les droits du livre et offrit au public ce qui reste un des évènements majeurs de la littérature américaine contemporaine.

Rarement un personnage n’aura aussi bien incarné une époque que Patrick Bateman. Froid, cynique et totalement dénué de scrupules, ce jeune golden boy représente le pire du monde moderne, une société de consommateurs égoïstes, capables des pires atrocités parce qu’ils possèdent de l’argent, la seule vraie source de pouvoir dans ce monde déshumanisé. Dans cet univers aux valeurs dépréciées, l’homme nouveau peut haïr les pauvres et acheter des femmes pour mieux les torturer, la négation de l’individu réduit ici à une simple carte de visite.

Mais ce récit ne serait rien de plus qu’un banal fait divers sans le talent de Bret Easton Ellis. Adopter le point de vue de Bateman, force les lecteurs à se mettre à la place du tueur pour essayer de comprendre ses motivations, une expérience d’autant plus troublante que le personnage reste assez désincarné comme la plupart de ces êtres totalement fantomatique qui peuplent l’œuvre de l’auteur de Moins que Zéro.

Le style toujours aussi tranché de Bret Easton Ellis accentue cet effet. L’auteur multiplie les descriptions vestimentaires d’une précision quasi-grotesque et caricature le discours politique de son héros, grand admirateur de Ronald Reagan. Surtout, il s’agit de son livre le plus musical. La musique permet en effet au romancier de reconstituer l’époque et son ambiance, ses standards rock devenus des classiques et les nombreuses virées nocturnes à travers les bars et les boîtes de nuit de New York. C’est aussi l’occasion de tirades sur l’évolution musicale de Huey Lewis & The News ou de Whitney Houston, petits intermèdes incongrus, préludes à des meurtres toujours plus violents.

Et la morale dans tout cela ? Aujourd’hui, si le spectre des années 80 s'est dissipé, les disciples de Patrick Bateman ne sont pas loin. Bien sûr, il n’est pas question de meurtres en série mais d’une société toujours plus cynique qui oppose aux citoyens les consommateurs. En ce sens, American Psycho demeure un cinglant avertissement.

Editions Seuil (Points), 520 pages, 7.95 euros

J.H.D. 

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