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Windows on the world de Frédéric Beigbeder, Grasset
 
La fin de tout

Windows on the world, par Frédéric Beigbeder, voilà un livre que l’on aimerait bien détester, un coup marketing assez osé mais aussi une réflexion poignante et désabusée sur un monde qui s’enfonce progressivement dans la violence et l’ignorance.

11 Septembre 2001. un riche agent immobilier texan, Carthew Yorston emmène ses deux enfants visiter le World Trade Center. Au milieu des clients et des employés, ils prennent leur petit déjeuner au Windows on the world, célèbre restaurant panoramique de la tour. A 8h46, un avion vient s’écraser sur la face nord de la tour n°1. De nos jours, un célèbre écrivain français s’installe à la table d’un restaurant de la Tour Montparnasse pour livrer ses impressions et tenter de comprendre « cette réalité qui dépasse la fiction et la détruit ».

Frédéric Beigbeder se met doublement en scène, endossant aussi le rôle de Carthew, à travers de nombreuses similitudes autobiographiques. Windows on the world instaure ainsi un dialogue entre la France et les Etats-Unis, entre fascination et aversion, références culturelles et matérialisme arrogant. L’auteur se livre aussi à une confession plutôt honnête même si son passé de publicitaire reprend parfois le dessus, distillant pathos ou slogans au fil du roman.

Heureusement, Frédéric Begbeider n’oublie pas ce qui l’a poussé à écrire ce Windows on the world, « d'aller là où la télévision ne va pas. Montrer l'invisible, dire l'indicible ». L’écrivain décrit en effet ses peurs d’homme occidental confronté soudainement à une barbarie qui a longtemps tairé son nom, l’horreur d’un père qui observe impuissant son fils mourir d’asphyxie. Sous ses dehors de roman chic et branché, un témoignage bouleversant d’un homme qui sait qu’il est maintenant en raison de ses excès - drogue, sexe, liberté - une cible potentielle.

Editions Grasset, 371 pages, 18 euros


J.H.D. 
 
« Le seul moyen de savoir ce qui s’est passé dans le restaurant situé au 107e étage de la Tour Nord du World Trade Center, le 11 septembre 2001, entre 8 h 30 et 10 h 29, c’est de l’inventer. »

Cette phrase peut en elle-même résumer le dernier roman de Frédéric Beigbeder, justement récompensé du prix Interalié 2003. Ce roman est une audace : à New-York, Carthew et ses deux fils vont vivre, durant deux heures, l’enfer chaotique des Twin Towers. A Paris, l’écrivain « bobo » Beigbeder emmène sa fille déjeuner à la Tour Montparnasse.
D’un côté, un homme dans une période transitoire, qui a oublié les vraies valeurs, auto-complaisant, maladroit et pourtant prêt à tout faire pour que tout se passe bien. De l’autre, le même personnage. Un s’apprête à mourir. Il se rend compte de ce qu’il perd, et va alors, avec une émotion réellement bouleversante, se rapprocher de ce qui était finalement le plus important : ses enfants. L’autre, en narrant cette histoire, se révèle au fur et à mesure à lui-même, s’accuse de pas mal de défauts, s’accorde certaines erreurs et décide de réparer ce qu’il peut réparer. Avant qu’il ne soit trop tard, car parfois, dans la vie, il est tout d’un coup trop tard.

Mélange de fiction et d’autofiction, Windows on the world permet enfin de convaincre ceux qui pensaient que Beigbeder n’était qu’un mariole faussement dandy qu’il est en fait un écrivain. Et un bon écrivain. Windows on the world se lit vite, avec passion. On pleure, on rit. Car on rit toujours avec Beigbeder, notamment lors de pages extraordinaires d’auto-flagellation. On est aussi ému aux larmes face au calvaire irréversible de Carthew et de ses enfants. On est ému car le 11 septembre nous est alors beaucoup plus proche : notre vision du drame devient plus humaine que les images des avions rentrant dans les tours.

Windows on the world mérite d’être lu. Et apprécié, car, au-delà de la profondeur à multiples facettes du roman, les références culturelles de Beigbeder, sa finesse et sa désinvolture restent toujours aussi séduisantes.

S.L. 

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