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Les Falsificateurs de Antoine Bello, Gallimard
 

L’Imagination au pouvoir

Quand Sliv Dartunghuver rejoint le cabinet Baldur, Furusset & Thorberg, il ne sait pas encore que ce modeste cabinet d’études environnementales va changer sa vie. Envoyé en mission au Groenland pour valider le choix de l’emplacement d’une nouvelle station d’épuration, il découvre que son supérieur Gunnar Eriksson modifie volontairement des détails anodins de son rapport et ce en dépit de ses propres recommandations. Cet homme appartient au Consortium de Falsification du Réel (CFR) et propose à Sliv de rejoindre cette organisation secrète, chargée de modifier l’histoire ou de propager de fausses rumeurs. Le jeune homme accepte mais doit vite se rendre à l’évidence qu’il ignore tout des motivations du groupe.

A partir de là, le roman de Antoine Bello déraille : si le CFR existe alors certains évènements ont pu être provoqués ou fabriqués de toute pièce par cette organisation secrète. Ils prennent une toute autre dimension comme l’histoire de la chienne Leïka envoyée par les Russes dans l’espace, une invention créée par le CFR destinée à faire monter la pression sur les autorités américaines dans le cadre de la conquête spatiale.

L’action du CFR ne se borne pas au seul champ politique. Ses agents peuvent au gré des scénarii développer de pseudo théories économiques, inventer des cinéastes allemands maudits ou carrément signer un roman du nom de Alexandre Dumas. Pourquoi croit-on à une histoire ? Tant d’agents ont revisité la vie de JFK qu’elle n’est plus q’une légende. La notion de vraisemblance s’efface progressivement et l’imagination prend le pouvoir.

Au passage, Antoine Bello aborde de multiples sujets (conquistadors, compagnie de réassurance, écologie…) avec une étonnante aisance et un humour ravageur. Au détour d’une page, on apprend que le CFR possède ses propres sagas (Roswell, la mort de Jean Paul II…) mais que ses agents ont toutefois renoncé à écrire un faux Goncourt !

Sliv, Magawati, Yousef. Les jeunes héros de Antoine Bello veulent également changer le monde. Ils épousent les vues du CFR par idéalisme dans un monde où beaucoup de causes et de peuples ont besoin d’être défendus contre des gens mieux armés qu’eux. Se lit ainsi la question de l’engagement politique et de ses limites, notamment au sein d’une organisation aussi opaque et dont les motivations réelles sont inconnues.

Pour l’heure, Antoine Bello se contente de nous présenter le CFR, une compagnie comme une autre avec ses rivalités, promotions et conventions collectives ! On découvre ses rouages (bureaux, académie, gouvernance…) et quelques figures emblématiques (Djibo, Kholoulfaz…) suivant une progression qui n’est pas sans rappeler l’architecture d’une série télévisée. Quand le CFR répond aux interrogations de Sliv, c’est pour mieux laisser planer de nouveaux doutes. Héritiers des X-Files ou Alias, les falsificateurs oeuvrent dans l’ombre mais nul doute que les ambitions du CFR seront bientôt mises en lumière… Comme l’écrit l’auteur, la suite au prochain épisode !

Editions Gallimard, 501 pages, 21 euros
J.H.D. 

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