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Un roman russe de Emmanuel Carrère, P.O.L.
 

Au bout du cauchemar

Sept années se sont écoulées depuis la parution de L’Adversaire. Sept années de silence, hantées par la folie et l’enfermement. Pour rompre ce cycle, Emmanuel Carrère réalise de nouveaux des reportages. L’histoire d’un malheureux soldat hongrois attire son attention. Prisonnier des russes à l’issue de la seconde guerre mondiale, Andras Tomas a passé 50 ans interné dans le petit village de Kotelnitch avant de récemment retrouver la liberté et son pays natal. Emmanuel décide de se rendre sur place pour raconter cette dernière histoire d’enfermement qui sera peut être l’histoire de sa libération. Un film se prépare, il obtient les moyens de tourner en Russie, il rencontre les habitants de Kotelnitch…

Avec ce Roman russe au titre ambigu, l’auteur de L’Adversaire se risque à une périlleuse autobiographie. Rarement, une œuvre aura refléter la vie personnelle de son auteur. Car Emmanuel Carrère ne se contente pas de décrire le tournage de son film, Retour à Kotelnitch, il évoque sa rupture avec Sophie, l’impossibilité d’aimer cette jeune femme avec la même passion qui l’anime.

Surtout, l’écriture tente de démêler un lourd secret familial, la disparition jamais élucidée de Georges, le père de Hélène, la mère de l’auteur. Immigré d’origine géorgienne, humilié pendant l’entre deux guerres du fait de sa condition, l’homme retrouve une certaine dignité en travaillant comme interprète auprès des allemands. Dénoncé à la libération, il a vraisemblablement été liquidé en représailles…

Ainsi, l’histoire du prisonnier hongrois permet par un moyen détourné de se rapprocher de ce grand père. Il est peut être parti ailleurs, retenu prisonnier quelque part. Le voyage à Kotelnitch permet également de renouer avec la langue maternelle, histoire peut être d’en finir avec cet ennemi invisible et ricanant qui harcèle sa famille. J’ai reçu en héritage l’horreur, la folie et l’interdiction de les dire. Mais je les ai dites. Une victoire, une de celle qu’on n’oublie pas à l’image de ce souvenir d’enfance à la piscine pour sceller les retrouvailles avec la mère et clore cet émouvant récit de la guérison d’un homme avec lui même.

Editions P.O.L., 356 pages, 19.50 euros
J.H.D. 

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