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Le Vampire de Ropraz de Jacques Chessex, Grasset
 

L’imagination du mal

Des hauteurs de Ropraz, le Haut-Jorat Vaudois étend ses collines et ses forêts menaçantes. La peur rôde mais plus que tout, l’ignorance gangrène les esprits. En plantant le décor de son dernier roman ici, Jacques Chessex s’empare d’un horrible fait divers dont il tire un grand livre fou torturé entre désir de modernité et croyances ancestrales.

1903. Les villageois des environs de Ropraz enterrent la fille du juge Galliera, terrassée par une méningite foudroyante. Quelques jours plus tard, sa tombe est profanée, son cadavre violé puis mutilé. D’autres profanations suivent. La peur, la colère saisissent les villageois. Quel monstre hante ces collines si paisibles ? De vieilles croyances refont surface. Alors que la foule exige un coupable, l’étau se resserre sur un étrange garçon de ferme…

Jacques Chessex excelle à donner vie à ces paysages faussement tranquilles. Les idées ne circulent pas. Autrement dit, les villageois ressassent les mêmes angoisses, les mêmes obsessions crasses, la même misère sexuelle également. Le vampire cristallise les rancoeurs, libère les jalousies, en un mot contamine les esprits. La peur de l’autre, sans limite, reprend ses droits. A nouveau, les croix se dressent dans ce pays protestant où on ne les voyait plus depuis quatre siècles. L’imagination de la population n’a plus de limite.

Jacques Chessex joue la carte d’une intrigue minimale, accentuée par la sécheresse de son style et la violence enfouie dans ces terres isolées de tout : ici, on n’a ce qu’on gagne de la Terre, autant dire rien. Dans le même registre, l’auteur réduit le portrait du suspect Favrez au strict minimum. Tout juste sait on que ses yeux sont enraillés de rouge comme si la lumière du jour le blessait, qu’il possède une mâchoire aux dents anormalement longues.

Jacques Chessex lui confère ainsi quelques attributs du vampire mais laisse planer le doute. Comment un être aussi primaire aurait il pu commettre des crimes aussi effroyables ? Aussi vite qu’il s’est imposé aux yeux de tous, le vampire disparaît dans les collines jusqu’au final cinglant où Jacques Chessex avec toute l’ironie qui le caractérise montre comment ce monstre a peut être réussi à s’insinuer en chacun de nous. Chef d’œuvre.

Editions Grasset, 107 pages, 11.90 euros
J.H.D. 

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