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L'Homme licorne de John Lasdun, Gallimard
 

L’effacement progressif des consignes de sécurité

Un simple marque page attire l’attention de Lawrence Miller. Quelqu’un a en effet déplacé le repère dans le livre que ce professeur de littérature de l’université Arthur Clay étudiait depuis quelques jours. Mauvaise blague ? Acte manqué ? L’universitaire se pose des questions d’autant plus que d’autre éléments troublants l'interpellent : découverte d’une pièce de monnaie bulgare, découverte d’une cache dans son bureau, nouvelle de la mort atroce d’un autre professeur Barbara Hellermann, prédécesseur de Miler. Pour l’universitaire aucun doute, il s’agit d’actes de malveillance…

Dehors les télévisions informent des derniers rebondissements du bras de fer entre G.W. Bush et Saddam Hussein sans oublier de mentionner le dernier meurtre d’une femme dans Central Park. L’université exerce une forte pression sur les élèves comme sur le corps enseignant. Sexe, racisme, système d’évaluation, le politiquement correct gangrène la vie du campus et le Comité contre le harcèlement sexuel récuse les plus réfractaires. Professeur au dessus de tout soupçon, Miller siège au comité et n’hésite pas à durement frapper un de ses collèges aperçu un soir au loin sur un quai de la gare, au bras d’une étudiante.

John Lasdun s’emploie délibérément à casser cette image de droiture. Pendant près de 200 pages, le livre fonctionne comme une vaste séance de psychanalyse. Au fur et à mesure que le personnage se confie, le roman dévoile des aspects peu reluisants de sa vie. D’où cette idée du marque page que l’universitaire aura peut être déplacé lui-même pour éviter de lire un passage du livre.

Apparaît bientôt la figure de Trumilcik, ancien professeur de l’université au passé trouble, renvoyé pour des faits de harcèlement. Il battait sa femme qu’il n’avait épousée que pour le contrat de travail. John Lasdun entretient le trouble sur cet homme insaisissable, véritable double du héros et du romancier, lui-même immigré aux Etats-Unis. I’image renvoie à Kafka notamment parce que Trumilcik a mis en scène une adaptation de Mr Blumenfeld.

L’ombre du dramaturge tchèque plane sur le livre, dans l’œil de verre du voisin comme dans cette actrice qui joue le rôle de Blumfeld. Le livre développe également la paranoïa que l’on retrouve dans certaines de ses œuvres. Comme les personnages de Kafka, Miller a perdu le contrôle de son existence à la merci d’un quotidien à priori banal mais qui menace désormais d’imploser à tout moment.

Editions Gallimard, 232 pages, 18.5 euros
J.H.D. 

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