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Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint, Les Editions de Minuit
 
Etrange itinéraire que celui du narrateur de Faire l’amour. Etrange et drôle de livre également, qui oscille constamment entre un humour railleur et une mélancolie non feinte et réellement empreinte de tristesse, que confirme l’auteur : « Ce n’est pas un livre spécialement gai, mais je l’ai écrit avec un sentiment de bonheur permanent : il a quelque chose que je ne réussis pas à définir, une sorte de tonicité, liée à l'exacerbation des contraires qui s'opère dans l'amour. Tout le monde a dû ressentir cette incroyable opposition des pôles, qui conditionne aussi la composition du livre.»

Et c’est tout le charme du roman, qui parle avant tout d’amour. Le narrateur et sa compagne, Marie, belle et malicieuse créatrice de mode, s’en vont à Tokyo pour une exposition de la jeune femme : « Le jour même où Marie me proposa de l’accompagner au Japon, je compris qu’elle était prête à brûler nos dernières réserves amoureuses dans ce périple ». Le voyage s’avère effectivement amoureusement éprouvant, et, de balades glaciales nocturnes à Tokyo au matin où ils doivent s’assumer, assumer leur chagrin et leur fatigue devant autrui, ici des professionnels japonais de la mode, aux petits soins avec Marie et vite désarmés devant les larmes continues de celle-ci.

Marie pleure beaucoup tout au long de Faire l’amour, et le fait finalement peu, même si la sexualité, passionnée et déchirante de plaisir, est belle et bien là, exhibant le réel thème du livre : l’amour plus que la rupture, mais l’amour forcément malheureux car en perte. Le narrateur fuit Tokyo, échoue à Kyoto chez un ami silencieusement compréhensif, retrouve des endroits de vacances passées avec Marie, et l’appelle d’une cabine téléphonique, et, «bouleversé, le cœur serré, infiniment heureux et malheureux», repart à Tokyo, centre névralgique de la rupture. Car le Japon est plus qu’un décor, son esthétisme nous charme grâce aux détails et aux couleurs, scrupuleusement décrits par un Toussaint fasciné… et fascinant.
On ne dévoilera pas la fin, peu surprenante mais délicieusement insolite, accompagnée du flacon d’acide chlorhydrique qui n’aura quasiment pas quitté la main angoissée et fébrile du narrateur.

C’est un beau roman, beau comme l’amour, triste comme une rupture, violent comme la haine qu’elle peut engendrer, et doux comme un poème, fluide et entêtant. C’est à lire absolument.

Les Editions de Minuit, 179 pages, 13 euros.
S.L. 
 
L’amour à mort.

Une rupture, sujet à priori banal que Jean Philippe Toussaint parvient à transcender par une écriture fluide sans toute fois convaincre totalement. Le narrateur accompagne à Tokyo, Marie son amie styliste pour mieux la quitter. («car autant la proximité nous déchirait, autant l'éloignement nous aurait rapprochés»). Ils font l’amour mais sans convictions, sentiments éteints, tristesse à fleur de peau à la limite de l’agression («elle frottait sa détresse contre mon corps pour se perdre dans la recherche d’une jouissance délétère, incandescente et solitaire…»).

Le couple erre aussi par une nuit glaciale dans les rues d’un Japon désincarné où ils s’étaient aimés et que l’auteur rend magnifiquement. La narration est solide et l’auteur porte un regard lucide et déchirant sur les derniers instants de cette relation rendue fragile et éphémère par le recours à une multitude de références à l’eau, une fluidité de l’écriture pour matérialiser le temps qui passe et ses effets dévastateurs. («…je savais que l’avènement du jour apporterait la preuve que le temps passait, irrémédiable et destructeur, et avait passé sur notre amour.»)

Malheureusement, Jean Philippe Toussaint finit par rejoindre ses personnages dans leurs divagations sentimentales. Au fur et à mesure de la lecture, le roman perd de son intérêt et de son aura, le récit donne l’impression de tourner dans le vide, sitôt la rupture consommée et se perd en d’inutiles épisodes comme le voyage à Kyoto. Un roman inachevé et c’est bien dommage.

Les Editions de Minuit, 179 pages, 13 euros.
J.H.D. 

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