chroniques de disques
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Black Heart Procession "Amore del Tropico" (Touch and Go/Chronowax) |
Voilà un groupe qui aura depuis son premier album en 1998 admirablement porté son
nom, échine courbée et regard livide rivé au sol, dans une marche funèbre le long
des sentiers de l’amour perdu, au pas de tortue sous éthanol. Tout commença à San
Diego en 1997 lorsqu’en retraite temporaire de Three Mile Pilot, Pall Jenkins et Tobias Nathaniel, alors tous deux en pleine déprime sentimentale s’enferment avec
pour simple ambition celle d’écrire quelques chansons, les plus noires possibles,
histoire d’évacuer la douleur en musique, à grand renfort de nuits blanches arrosées.
Et ce qui ne fut au départ qu’une thérapie personnelle deviendra The Black Heart Procession, donnant lieu à quelques concerts confidentiels et un sublime album "1"
(Cargo/Headhunter) en 1998, presque par accident selon les dires de Jenkins. Le résultat
fut tellement encourageant que le duo récidive en 1999, recréant artificiellement
la formule sur le deuxième album, le grandiose "2", sorti chez Touch and Go. 2000,
la sortie de "Three" scelle la trilogie classieuse à la formule envoûtante, mélange
de trip-hop habité et de rock épique caverneux. Trois albums qui se complète autant
qu’ils se ressemblent. Trois albums qui explorent à l’allumette la crypte humide et glaciale de l’éternel sujet des songwriters : la rupture amoureuse. L’homme qui
se morfond, qui essaye de comprendre en vain les raisons de son sort, qui recoud ses plaies désespérément à vif, nombriliste, tout en réflexion hasardeuse et peu
pragmatique face à la situation. Mais la musique de BHP, tellement glaçante, empathique
et addictive, surpasse ses maîtres et ses élèves. 2002, ‘Amore del Tropico’ est forcément une surprise pour les connaisseurs de la bande de San Diego, surtout si comme moi vous avez découvert BHP dans le sens inverse, "Three", "2", "1"... et donc zéro. BHP a en effet pris un nouveau départ : exit Ryan Hadlock, finit les chauves-souris, plus de références aux chevaux, plus de Mario Rubalcaba à la batterie. Comme si BHP avait découvert le soleil de San Diego en sortant finalement de sa grotte. Du moins c’est ce qui surprend l’auditeur à l’écoute de Tropics of love, pimenté de sonorités latines et de chœurs féminins, nouveauté de taille pour Jenkins jusqu’alors seul au chant (à part le duo final avec Kazu Makino de Blonde Redhead sur "Three"). Un BHP baroque qui se laisse tenter par le prog-rock et les synthés sur Sympathy Crime, un clone de Bowie sur Fingerprints. BHP n’a bien sûr pas pour autant pu se débarasser de tous ses démons. On retrouve donc The Waiter 4ème du nom, le thème récurrent des fantômes sur The Visitor ou The One Who Has Disappeared. Le changement de rythme n’est pas si déstabilisant non plus : ils sont passés de 40 bpm à 52 bpm ! Et puis à comparer "Three" à "Amore del Tropico", le changement n’était au final pas si inattendu : The One Who Has Disappeared n’est-il pas une réponse à The War Is Over, Broken World n’est pas sans rappeler A Heart Like Mine, Sympathy Crime n’est-il pas le frère jumeau du somptueux Waterfront (the Sinking Road), morceau qui préfigure lui-même Tropics of Love. BHP sont-ils simplement passé à l’action plutôt que de se lamenter sur leur sort ? Pour preuve le tournure dramatique de certaines compositions (Sympathy Crime ou Fingerprints), le dessin de la pochette (une fois n’est pas coutume pour Jenkins, elle est tout simplement affreuse…) qui laisse deviner le corps d’une femme sauvagement assassinée, ou le rock fiévreux de Only One Way. Les indices de la mutation sont épars mais certains. Comme le dit la fiche promo, sûrement le disque le plus accessible des BHP, avec des tubes qu’on ne leur connaissait pas vraiment Did You Wonder, ou Only One Way, mais qui porte encore fièrement les marques de leur glorieuse discographie : Why I Stay, Before The People, The One Who Has Disappeared. The Black Heart Procession a ouvert avec "Amore del Tropico" le premier tome d’une nouvelle trilogie musicale qu’on souhaite aussi grandiose que la préccédente.
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