Red : le blues torturé jusqu'au cuir chevelu
Vous disiez dans cette même interview que Will Oldham appréciait l'album...
R: On est devenus un peu amis. J'ai fait sa première partie au Pez Ner en Avril
ou en Juin. On avait déjà communiqué avant. Il aimait déjà beaucoup 'Felk'. On est
resté en contact. J'aimerais bien aussi qu'il fasse partie du casting du prochain
album. y'a toujours le problème s'il est en tournée, et moi je sais pas quand j'irai
là-bas. Mais si on arrive à se croiser, je pense qu'y'a moyen qu'on enregistre
des choses ensemble.
cet album a l'air d'être plus connu à l'étranger qu'en France...
R: Non, y'a le chanteur de Mendelson qui apprécie. Et moi j'aime beaucoup Mendelson
de mon côté; ça vient aussi de Noël Akchoté qui a produit leur dernier album.
Je rencontre un tas de gens qui l'aime bien. Pour l'instant c'est bien. Ca marche
bien au niveau de la France. Finalement, je suis assez content de la presse sur
le Cohen. Avec Felk, pour un petit label comme Rectangle on s'est retrouvé avec
une page dans Vibrations, une page dans Libé. Chez Rectangle, ils sont très forts :
ils envoient 80 disques au lieu de 2000 pour une major et on fait plus de presse
que les majors. Quentin Rollet est très très fort là-dessus. Cohen c'est un peu
sacré en France, alors je croyais que 'Songs from a room' serait mal accueilli.
Et les reprises ça se fait moins qu'avant. Dans les années 70, les groupes
n'hésitaient absolument pas à se reprendre mutuellement. la version des Violent
Femmes de 'Do You Really Want To Hurt Me' sur leur 4eme album,je trouve
ça vraiment magnifique. C'est vachement intéressant de s'approprier une chanson
et de la traîter complètement différemment. L'album de Cohen, le son n'a vraiment
rien à voir. En fait j'ai appris les morceaux et je les ai ensuite oubliés. Je les
ai tellement joué. Je me les suis réappropriés sans réécouter l'album. J'ai pas
cherché à placer ma voix ou ma guitare exactement comme sur l'original. J'ai refait
l'album à zéro comme si c'était moi qui avait écrit et arrangé les chansons.
c'est un album hommage ? c'est pour que les gens de maintenant (re)découvre
Cohen ?
R: J'habite là et maintenant donc c'est un album pour les gens de maintenant.
Je m'adresse à tout le monde. Si il y a des gens qui découvre Cohen avec ça,
tant mieux. Surtout Cohen à cette époque là. J'ai pas écouté le dernier album.
J'attends encore un peu, je suis encore dedans. Le but, c'était vraiment de
faire un cover et de chanter ces chansons-là. Les chansons me touchent, les
textes me touchent. Ils n'ont pas veilli d'un poil. 'The Old Revolution',
les Sex Pistols, c'est Mickey à côté ! Tu peux mettre le drapeau noir sur scène.
(rires). Dans un temps où les gens ne résistent plus à grand chose, c'est pas mal
de chanter çà aujourd'hui. Je fais rarement de politique dans mes textes. La
politique est dans mon attitude. Et je trouve que là malheureusement, je rencontre
plein de musiciens et de jeunes gens qui ne résistent plus. Y'a plus de concerts
dans les bars. Je ne sais pas comment fait un jeune groupe maintenant pour commencer.
Il faut directement être signé chez Sony pour commencer ! T'es formaté dès le
départ. Même le rap est complètement déformé par le commerce.
Pourquoi Rectangle s'est-il délocalisé en Grande-Bretagne ?
R: Oh je crois que c'est avant tout pour des raisons fiscales, avec l'Europe
et tout ça. Je crois que c'est aussi plus facile pour l'export depuis l'Angleterre.
Les Disques Mange-tout à Grenoble ont dû fermer récemment à cause de problèmes de distribution
et de manque de soutien de la presse. Cet exemple pour illustrer que beaucoup de
labels indépendants français ont du mal à tenir...
R: Y'a un grand problème en France, c'est la disparition des disquaires indépendants.
C'est un peu en train de revenir avec la réapparition du vinyl. Dans les grandes villes
comme Lyon ou Paris t'en trouve encore, notamment Bimbo Tower vers Bastille qui nous
soutien beaucoup (ndlr: chaudement recommandé !). Le gars est vraiment un militant.
Son magasin marche bien. Il connaît braiment ce qu'il vend. Il ne vend pas que des
gros labels. Le problème c'est quand tu vas à la FNAC et que t'as 6 mètres de
Compay Segundo au moment de la sortie du film de Wim Wenders. Ca ne sert à rien,
ils savent très bien que de toute façon ça va se vendre. J'ai rien contre ce pauvre
monsieur... enfin ce monsieur, mais j'en ai contre sa maison de disques et la FNAC.
Je suis reconnaissant du travail de la FNAC quand ils me mettent en écoute, c'est
super. Mais quelque fois je suis en colère. Vendre de la musique comme des yahourts
dans un supermarché ! Et les petits labels vont disparaître aussi, ils ont déjà
bien disparus d'ailleurs, un peu à cause de ça. Pour un petit label comme Rectangle
qui tourne avec 80 francs en poche c'est génial de se retrouver en écoute à la FNAC
des Halles ou de Lyon, mais c'est un coup de chance, parce que la presse parle un peu
de moi. Il se peut qu'on tombe sur un bon vendeur qui accepte de nous mettre en avant
c'est sûr. C'est pas tellement à la FNAC que j'en veux, c'est contre la grande
distribution en général. C'est vachement bien parce que tu trouves de tout à portée
de main, mais il faut faire attention de pas faire mourir les petits labels et
d'engraisser Jean-Marie Messier.
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